Réaction à l'examen du projet de loi droit d'auteur

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il y a 19 ans 10 mois #5407 par baboon

Communiqué de la Ligue Odebi 10-06-2005
Réaction à l'examen du projet de loi droit d'auteur
par la commission des lois


La Ligue Odebi vient de prendre connaissance du rapport Vanneste sur le
projet de loi droit d'auteur (DADVSI) devant transposer la directive
européenne EUCD.

La Ligue constate tout d'abord que la France doit aujourd'hui transposer
une directive européenne découlant directement d'accords OMPI datant du
siècle dernier (1996) , et ayant d'ailleurs donné naissance au
tristement célèbre DMCA américain. Le rapport Vanneste précise lui-même
que ces accords n'ont pas été ratifiés par les Etats membres de l'Union,
mais qu'ils ont été approuvés "au nom de la communauté" par une décision
du conseil du 16 mars 2000. Cette directive qui devait être transposée
au plus tard le 22 décembre 2002 heurte frontalement le droit des
français à la copie privée, pour lequel ils paient d'ailleurs de
nombreuses taxes, puisqu'il s'agirait de justifier légalement des
dispositifs anti-copie -en pratique : des dispositifs anti-usage- et de
pénaliser leur contournement.

La Ligue, qui est opposée à la légalisation de la mise en place de
dispositifs anti-copie (par ailleurs condamnés par une cour d'appel)
pour la simple raison que chacun est libre d'user chez lui d'un bien
licitement acquis comme bon lui semble, estime totalement inacceptable,
et pour tout dire techno-totalitaire, le rejet par la commission de
l'amendement de C.Paul visant à "exclure du délit de contrefaçon les
actes de contournement des mesures de protection des oeuvres par celui
qui les a licitement acquises, de façon à bénéficier des usages normaux
de cette oeuvre permis par la loi ou le contrat".

Par cette décision délirante, qui consistera au total à faire encourir
trois ans de prison et trois cent milles euros d'amendes à des citoyens
qui souhaiteraient tout simplement utiliser librement un bien qu'ils ont
acheté, la commission des lois ouvre la porte à une désobéissance civile
qui ne pourrait qu'aggraver la situation actuelle...

Par ailleurs, c'est en toute connaissance de cause que la commission des
lois propose ni plus ni moins qu'une véritable prise d'otage légale,
puisqu'elle reconnaît elle même une absence d'interopérabilité, dénoncée
par tous, y compris par le ministère de l'industrie : comment peut-on
simultanément reconnaître que "les mesures de protection constituent
également, dans certains cas, des obstacles mis délibérément à
l'interopérabilité technologique entre les fabricants de lecteurs et les
producteurs et titulaires des droits des contenus" et interdire aux
citoyens de s'affranchir de l'impossibilité d'usage des biens achetés
qui en découle?

L'incohérence masochiste du rapporteur Vanneste est d'autant plus
manifeste qu'il est le premier à constater dans son rapport que les
américains, lorsqu'ils ont transposé les accords OMPI dans le DMCA, ont
bien pris soin de préciser que le contournement des mesures techniques
de protection (mtp) était autorisé à des fins d'interopérabilité...

Avec ce texte, la simple lecture d'un dvd acheté sur un système libre
comme Linux serait pénalement réprimée : Le législateur français veut-il
ainsi imposer l'obligation d'acheter un système d'exploitation
américain, et ce à l'heure où l'Union Européenne a lourdement condamné
la société microsoft pour abus de position dominante?

Encore plus cynique, le rapport Vanneste reconnaît que l'équilibre du
texte repose sur le fait que la protection juridique des mtp "ne doit
pas s'opérer au détriment de l'usage habituel et des exceptions aux
droits en vigueur, dès lors qu'elles ne sont pas illégitimes", et ne
propose comme seule disposition que la possibilité du recours à la
médiation prévue au considérant 46 de la directive... En bon français :
on légalise des mtp dont on sait pertinemment qu'elles nuisent à l'usage
légitime des biens achetés par les français, et on leur donne le droit
d'aller se plaindre ensuite auprès d'une "commission" nommée par le
pouvoir politique en lieu et place d'un juge indépendant et impartial...
Une façon simple de s'affranchir des récentes décisions de justice (par
exemple en ce qui concerne les dvd munis de dispositifs anti-copie).
Comme Vanneste l'explique si bien : "l'ampleur des divergences de
jurisprudence, en première instance comme en appel, milite pour retenir
le principe de l'institution du collège de médiateurs, dont les
décisions s'imposeront immédiatement et pour l'ensemble du territoire."
La majorité persisterait-elle aujourd'hui encore dans la voie tracée
sous les gouvernements Raffarin successifs par la LCEN ou la réforme de
la loi informatique et libertés ?

A la lecture de ce rapport, la Ligue constate la reprise du discours de
terreur chimérique véhiculé par le lobby des majors, et repris jusque
dans les écoles françaises grâce à F.Fillon et R.Donnedieu de Vabres
(toujours membre du gouvernement...) Après que Donnedieu ait qualifié
l'usage du p2p de "crime contre l'esprit", Vanneste n'hésite pas à
parler de "risques potentiellement mortels", et à reprendre des thèses
tendant à faire croire aux français que l'usage du p2p serait la cause
d'une baisse des ventes de CD. Le rapporteur Vanneste va même jusqu'à
qualifier la taxation de l'upload proposée par O.Bomsel de
"intellectuellement séduisante". La ligue rappelle une fois de plus que
les faits sont qu'aucune étude n'a jamais réussi à démontrer que l'usage
du p2p était la cause de la baisse de ventes de CD, et s'étonne que la
commission des lois puisse relayer les propos infondés d'Hollywood et
des majors. Il est heureux que la commission ait néanmoins refusé cette
taxe upload qui aurait ravalé l'internet français au rang du minitel.

L'examen de ce projet de loi est pour certains l'occasion de tenter de
faire taxer les abonnements internet à hauteur de 5 à 10 euros par mois
: une telle taxe, au profit des majors, des stars ou des sous-produits
de la télé-réalité, empêcherait les français les moins riches d'accéder
à l'internet. Pour 12 millions d'abonnés, 10 euros par mois
représenteraient un total annuel d'un milliard et demi d'euros, que l'on
comparera aux 4 milliards devant être consacrés à la lutte contre le
chômage par le gouvernement de Villepin.....

Rappelons que l'industrie dite culturelle se nourrit déjà de taxes et
subventions qui se comptent en milliards d'euros. Ainsi depuis plus de
vingt ans, grâce à la commission copie-privée qu'elle contrôle, cette
industrie ne cesse d'étendre les taxes à tous types de supports dont
elle semble s'estimer propriétaire, comme les clés usb ou les disques
durs. Pire que ce parasitage, cette industrie privilégiée n'hésite pas à
vampiriser la santé des français avec la bénédiction de la commission
des lois, qui a osé rejeter l'amendement Geoffroy demandant d'éxonérer
l'imagerie médicale de la taxe pour copie privée. Et le rapporteur
Vanneste de préciser : " M. Christian Paul s'est déclaré favorable à
l'amendement, jugeant que l'imagerie médicale était sans rapport avec la
création culturelle. Le président Pascal Clément ayant considéré que la
multiplication des dérogations rendrait la loi inintelligible pour le
citoyen, la Commission a rejeté cet amendement." L'actuel garde des
sceaux cautionne ainsi une scandaleuse vampirisation du système de santé
au profit des majors. Pour sa part, la Ligue Odebi demande au
législateur de prévoir expressément dans la loi que tout acteur du
système de santé français, sans exception, soit éxonéré de cette taxe de
sangsues.

Pour conclure, et à toutes fins utiles, la Ligue tiendra pour
personnellement responsable, et pour longtemps, tout parlementaire qui
oserait porter un amendement techno-totalitaire tendant à interdire tel
ou tel programme informatique permettant d'échanger des fichiers numériques.

Il devient urgent que le parlement se décide à écouter les internautes
français......


La Ligue Odebi
www.odebi.org

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